
Dès l’introduction, on comprend vite que nos vieux briscards n’ont pas l’intention de rendre les armes de leurs jeunes années rebelles ! Ils seraient même là pour durer, et plutôt que de briser leur pipe, ils semblent bien déterminés à la fumer jusqu’au bout… Ce tome 3 commence avec l’interpellation de Pierrot, affublé d’un magnifique costume d’abeille, alors qu’il vient de commettre avec ses potes un « attentat au miel » contre les producteurs de pesticides…
Pourtant, la roue tourne et nos vioques préférés, qui se plaisent souvent à donner des leçons, vont à leur tour en recevoir une de la nièce d’Antoine, et pas piquée des vers, en particulier ceux qui les attendent avec impatience au fond du trou pour une joyeuse ripaille… Et c’est d’une vieille voisine recluse et bougonne que viendra la tempête, un « ange de la vengeance » dénommée Berthe. Par la voix de la nièce qui a sympathisé avec cette dernière, on apprendra que les trois vieux copains sont loin d’être des enfants de chœur et n’ont pas toujours été héroïques comme pourrait le laisser penser la BD depuis le premier tome… Sophie, en marionnettiste de profession, va leur rafraîchir la mémoire en leur contant cet épisode peu glorieux du village dont ils furent les principaux protagonistes durant la seconde guerre mondiale…
Pour ce troisième volet, c’est donc un sujet grave (les représailles post-collaboration) qui est abordé mais le ton humoristique reste le même, preuve que l’on peut discuter de tout sans imposer pour autant une chape de plomb comme le voudrait la bienséance. Et c’est entre autres sur ce point précis qu’on perçoit l’intelligence des auteurs, qui parviennent à inclure un sujet sérieux dans un cadre burlesque sans en retirer la portée morale. A ce titre, la scène finale est très parlante.
Les Vieux Fourneaux t.3 : Celui qui part
Scénario : Wilfrid Lupano
Dessin et couleurs : Paul Cauuet
Editeur : Dargaud
54 pages – 11,99 €
Parution : 13 Novembre 2015
♦ Angoulême 2015 : Prix du public Cultura pour le tome 1 : Ceux qui restent ⇒ lire la chronique
♦ Prix Canal BD 2014 pour le tome 1
♦ Prix Fnac Belgique 2015 pour le tome 1
⇒ Lire la chronique du tome 2
⇒ Lire la chronique du tome 4
Extrait tome 3 (p27-28) – Echange entre Sophie et Pierrot :
« Je voulais te demander : tu le connais bien, toi, mon père ?
— Ton p… ?! Euh, ma foi, euh, pas plus que ça. Pourquoi ?
— Pour savoir. Je le connais pas tellement, moi non plus, alors je cherche des témoignages… Mais c’était pour causer, hein…
— Il a un truc en travers de la gargagnole, ton paternel. Quelque chose qu’est pas passé. Quand il était petiot, c’était un amour, et puis, à l’adolescence, c’est devenu une sorte d’Attila en baskets.
— Mamie m’a raconté, un peu. Mais elle m’a pas dit pourquoi il avait changé.
— Mais parce que personne ne sait ! Après, quand il a eu 17 ans, il nous a traité de « vieux cons de gauchos préhistoriques », ton grand-père et moi, ce qui a mis un terme à nos rapports. Ouais. Qu’il dise ça à ton grand-père, passe encore : c’est vraiment un vieux con de gaucho préhistorique ! Mais à moi, qui ai une pensée politique beaucoup plus fine, franchement, c’est exagéré, non ?
— Ha ha ha !
— C’est vrai ! Politiquement, ton grand-père, il dit que des âneries du matin au soir ! Alors l’hiver, encore, ça va, les journées sont courtes… »
