Would you like a cup of (iced-)tea ?

Emma G. Wildford – Edith & Zidrou
Emma G. Wildford © 2017 Edith & Zidrou (Soleil)

Lors d’une expédition en Laponie, l’explorateur et archéologue Roald Hodges Junior a disparu mystérieusement sans laisser de traces. Eperdument amoureuse, sa fiancée, Emma G. Wildford, décide alors de partir à sa recherche. Sa quête lui révélera la vérité, mais pas celle à laquelle elle pouvait s’attendre, et surtout pas des plus romantiques…

Emma G. Wildford – Edith & ZidrouZidrou et Edith nous livrent ici un drame romantique traité de façon subtile et poétique, empreint d’un charme suranné, rehaussé par le tirage original et luxueux qui en fait un véritable objet d’art. Avec ses deux collections Métamorphose et Noctambule, l’éditeur Soleil, en mettant l’accent sur la qualité de l’impression, semble avoir compris, face aux enjeux du tout numérique, que l’avenir de la BD passait par une sorte de sacralisation de l’objet : double-couverture aimantée se dépliant pour laisser apparaître l’œuvre dans sa nudité, tel un écrin dévoilant son diamant ; insertion d’une enveloppe, d’une photo et d’un ticket d’embarquement, autant de pièces d’un puzzle contribuant à insuffler une touche de mystère au récit. C’est tout à fait magnifique !

De plus, le trait élégant d’Edith reste un vrai plaisir des yeux, renforcé par ses aquarelles délicates et de jolis effets de lumière. Aucune surcharge inutile dans ce dessin qui recèle un côté intemporel convenant bien à l’atmosphère de début de XXe siècle du récit. Plusieurs fois récompensée (notamment par une Pépite BD à Montreuil avec Le Jardin de minuit), cette auteure, qui n’en est donc pas à sa première œuvre, mériterait largement une plus large renommée, à l’instar de ses consœurs plus connues, notamment Pénélope Bagieu, Chloé Cruchaudet ou encore Marion Montaigne.

Scénariste BD très prolifique, Benoit Zidrou quant à lui nous propose une histoire en forme de quête passionnelle, celle d’une femme qui veut croire à l’amour avec un grand A, dût-elle se brûler les ailes, ou bien plutôt éteindre le feu qu’elle porte en elle dans la froidure des terres nordiques, pour reprendre la splendide parabole liée à l’expédition de son fiancé disparu. C’est bien vu et plein de justesse. Si dès le début, on devine qu’en partant à la recherche de Roald, Emma s’expose à de terribles désillusions, on comprend aussi que celle-ci, animée d’une passion aveuglante, refuse d’être consumée par une attente illusoire, car si Emma est naïve, elle n’en est pas moins combative – et féministe à sa façon en bravant le mépris et la condescendance des hommes de la société d’archéologie, ceux-ci cherchant à la dissuader de partir sur les traces de son fiancé. Emma n’est pas Pénélope. Elle préfère, plutôt que de tisser mille fois la même toile, écrire des poèmes. Ses écrits ont d’ailleurs bien souffert de l’humidité à la suite d’une chute durant sa quête, ce qui lui fera dire : « C’est comme si tout, toujours, était à réécrire »…

Emma G. Wildford, œuvre nominée pour le Festival d’Angoulême, a de bonnes chances de décrocher le Fauve d’or, procurant ainsi à ses auteurs une légitime reconnaissance dans le milieu du neuvième art. Le comité de sélection ne s’y est pas trompé en listant cette bande dessinée, qui est d’ores et déjà une des meilleures productions de 2017.

Emma G. Wildford
Scénario : Benoit Zidrou
Dessin : Edith
Editeur : Soleil
Collection : Noctambule
102 pages – 22,95 €
Parution : 22 novembre 2017

Extrait p.39 – Entretien entre Emma et les membres de la Royal Geographic Society :

« Avez-vous idée des périls que vous aurez à affronter ?
– Je suis une femme, Lord Grosvenor. J’ai été élevée dans l’idée que tout n’était que danger et perversion autour de moi !
– Savez-vous tenir sur des skis ?
– J’apprendrai !
– Avez-vous, au moins, quelques notions de la langue du peuple sami ?
– Ce ne peut être pire que le gallois douteux que me baragouine Doris, notre gouvernante, depuis que je suis toute petite.
– Savez-vous manier un fusil ?
– Dussé-je vous étonner : oui. J’ai aidé mon fiancé dans ses recherches. J’ai toutes ses notes, le double des cartes qu’il avait tracées, le détail de l’expédition qu’il avait longuement mûrie…
– Mademoiselle Wildford, pourquoi croyez-vous qu’il n’y ait aucune femme au sein du comité directeur de la Royal Geographic Society ?
– Parce que vous êtes de vieux barbons imbus de vous-mêmes ?
– Ha ! Ha ! Ha ! Je comprends mieux, maintenant, pourquoi seule cette nation est capable de donner au monde des Reine Victoria !

Emma G. Wildford – Edith & Zidrou
Emma G. Wildford © 2017 Edith & Zidrou (Soleil)

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