Au fond, on a bonne mine…

Souterrains © 2017 Romain Baudy (Casterman)

A la mine, les conditions de travail difficiles sont exacerbées par l’arrivée des machines, suscitant l’inquiétude des ouvriers qui craignent pour leur emploi. Lors d’une explosion souterraine, un groupe d’hommes va se voir entraîné dans une aventure des plus inattendues dans les entrailles de la Terre, en compagnie du nouveau robot mis au point par les ingénieurs de la compagnie minière.

Si vous aimez être surpris, cette bande dessinée ne devrait pas vous décevoir. Bien sûr, si la couverture fait un peu office de teaser, le double-genre qui la caractérise laisse une impression pour le moins marquante. L’histoire commence en effet comme un drame social réaliste bien français, avec en toile de fond la grogne des mineurs qui voient d’un mauvais œil la mécanisation des moyens de production, pour bifurquer au bout de quelques pages vers le récit d’aventure fantastique, comme un clin d’œil aux comic books évoqués un peu plus tôt par un des mineurs.

Le message délivré est assez clair : dans la mine, en surface comme sous la terre, il y a les maîtres et les esclaves. Pourtant, les maîtres ne sont rien sans les esclaves, des « géants » qui s’ignorent, détenteurs non seulement de la force de travail mais aussi de celle de renverser l’autorité quand celle-ci les méprise et les exploite. Romain Baudy, jeune auteur dont c’est le deuxième album après Pacifique, réalisé à quatre mains avec Martin Trystram, a ainsi signé le scénario et le dessin de Souterrains. Cet ouvrage traduit le perfectionnisme de son auteur, qui n’a négligé aucun aspect. L’histoire est travaillée et fluide, et procure un bon moment de lecture pour peu que l’on ait gardé son âme d’enfant. De même, le dessin dénote une certaine assurance de son auteur, qui nous offre des cadrages spectaculaires, comme si l’on était au cinéma, le tout rehaussé par la mise en couleurs flamboyante d’Albertine Ralenti.

Entre BD jeunesse et manifeste politique, une œuvre que l’on peut qualifier d’originale, et un challenge plutôt réussi si l’on considère que le mélange des genres est un exercice très délicat. Malgré quelques légers bémols, Romain Baudry s’impose incontestablement comme un auteur à suivre.

Souterrains
Scénario & dessin : Romain Baudy
Editeur : Casterman
144 pages – 20,00 €
Parution : 13 septembre 2017

Extrait p.37 – Discussion à couteaux tirés entre Henri et son beau-frère Lucien :

« Bon en tout cas, tu vois bien qu’il faut des gars pour la manœuvrer cette machine ! D’ailleurs à ce propos, je voulais pas t’en parler avant… Je fais partie des volontaires du groupe mis en place, et on commence aujourd’hui…
– Quoi !?!
– Je sais ce que tu penses, mais c’est un vrai progrès, cette machine… Il faut bien s’adapter aux nouvelles techniques, autrement on nous gardera pas bien longtemps… Et puis y avait une belle prime à la clé !
– Alors c’est comme ça, hein ?! Tu trahis tous tes camarades…
– Allez, allez ! T’arrêtes ton char, je ne trahis personne, Lucien !
– Oh, mais si ! Tu participes à la mise en place d’une machine qui, si elle ne nous remplace pas tous, va tout de même prendre la place de certains ! Et tu fais ça par appât du gain et par peur ! Exactement comme ont dû le prévoir nos chers patrons… Cette machine ne demande pas de salaire, alors bientôt ils te demanderont de bosser plus pour un salaire moindre et tu diras oui pour pas être viré… »

Souterrains © 2017 Romain Baudy (Casterman)

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