Dans la souricière nazie

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Maus © 1987-1992 Art Spiegelman (Flammarion)

Récompensé par le prix Pulitzer, Maus nous conte l’histoire de Vladek Spiegelman, rescapé de l’Europe d’Hitler, et de son fils, un dessinateur de bandes dessinées confronté au récit de son père. Au témoignage bouleversant de Vladek se mêle un portrait de la relation tendue que l’auteur entretient avec son père vieillissant.

mausLes mots manquent devant ce courageux travail de mémoire, à la fois un hommage à l’ensemble des Juifs morts dans les camps mais aussi au père de l’auteur, ce dernier ayant cherché à coller au plus près de la vérité en intégrant l’Histoire (avec un grand h) dans l’histoire, celle de son père qui a survécu valeureusement à cet enfer, puis est parti vivre aux USA après la guerre, mais ne s’est jamais réellement libéré, prisonnier de ses propres obsessions et sa peur de manquer, rendant la vie impossible à son entourage.

C’est aussi tout cela que Spiegelman fils raconte, sans concession et sans manichéisme, comme une sorte de psychothérapie et une tentative de comprendre les rapports difficiles qu’il a eu avec ses parents, mais s’il parvient à aller aussi loin en décrivant les pires travers de Vladek, son père, désormais veuf – que l’on découvre radin, égocentrique, possessif, odieux vis-à-vis de sa compagne et même raciste envers les noirs – c’est parce que sans doute il y a mis aussi énormément d’amour, et c’est aussi cela qui est émouvant à l’extrême. Si l’auteur n’essaie pas de faire de son père un héros, il révèle aussi ses propres faiblesses et ses propres blessures, avec cette culpabilité lui interdisant de montrer ses souffrances, car né dans ce pays de Cocagne qu’étaient encore les USA après la guerre, alors que ses parents sortaient de l’enfer absolu.

Le graphisme ne plaira peut-être pas à tous, car plutôt minimaliste et d’un trait en apparence grossier, mais le but n’était pas de faire quelque chose de joli…. Il viserait peut-être à exprimer la fragilité de l’enfance plutôt qu’à étaler une quelconque prouesse artistique, évitant ainsi tout nombrilisme. En fait il colle très bien à l’histoire, tout comme le choix du noir et blanc. Le scénario est très bien mené, naviguant entre deux époques, où le Vladek jeune et héroïque et le Vladek vieux et mesquin se répondent en permanence… C’est souvent très émouvant (cette photo du petit frère !), et les personnages sont tous attachants, y compris le père, si invivable soit-il…

Plus de vingt ans après sa sortie, un classique incontesté (et incontestable) de la BD…

Maus – Un survivant raconte (L’intégrale)
Scénario & dessin : Art Spiegelman
Editeur : Flammarion
296 pages –  30 €
Parution : 1er novembre 1998

Angoulême 1988 : Alfred meilleur album étranger pour le tome 1
♦ Eisner Award 1992 : Best Graphic Album: Reprint
Prix Pulitzer en 1992
Angoulême 1993 : Alph-Art du meilleur album étranger pour le tome 2

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