Un parcours de combattante

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Le Sentier des Reines © 2015 Anthony Pastor (Casterman)

Eprouvée par une longue guerre et veuve depuis peu, Blanca décide de quitter son village savoyard avec sa belle fille, veuve elle aussi, et le jeune orphelin Florentin. Pour subvenir à leurs besoins, ils vivront de colportage, pistés par un type louche qui aimerait récupérer la montre que Blanca transporte avec elle.

le-sentier-des-reinesLe Sentier des Reines est le récit d’une quête, celle d’une mère courage, Blanca Dupraz. Au lendemain de la dévastatrice Grande guerre, déjà épuisée par l’anxiété liée à l’attente des lettres de son mari ou des permissions qui ne venaient jamais, elle perd ce dernier tout juste revenu du front dans une avalanche. Ce cruel coup du sort va la pousser à quitter son village, seul moyen selon elle de ne pas sombrer dans la folie. Après avoir réuni ses maigres possessions dans le but de les revendre, c’est accompagnée de sa belle fille également veuve et du jeune orphelin Florentin qu’elle partira à l’assaut des « sentiers », avec en tête un objectif connu d’elle seule… L’apparition d’un vagabond vaguement inquiétant, qui prétend avoir connu son mari sur le front, va distiller une tension tout au long de l’histoire, l’obsession de l’ancien poilu étant de mettre la main sur la montre qui appartenait à son époux défunt.

Davantage observateur des événements qu’acteur, la présence du jeune orphelin semble se justifier par son rôle de narrateur. Ses états d’âme en « voix off » confèrent au récit une note intime et littéraire, renforçant la profondeur du personnage phare, Blanca. Les rencontres que va faire la petite équipe conforteront la veuve dans la pertinence de sa décision, lui permettant de mener à bien sa mission et bien plus encore. Car malgré tous les obstacles se dressant sur leur chemin, notamment le froid, la fatigue et la faim, la récompense sera à la hauteur des souffrances endurées. A ce titre, il s’agit donc bien d’une quête initiatique, avec en filigrane les prémices du combat féministe, incarnés par le docteur Curiot, autre personnage de femme hors-normes pour l’époque. Celle-ci, en sensibilisant Blanca sur la condition féminine, moins avancée en France que dans d’autres pays, orientera pour de bon sa trajectoire, lui faisant atteindre le point de non retour, chose extraordinaire pour une femme dont le destin aurait dû être celui d’une villageoise entièrement dévouée à son mari.

Avec son style hachuré et sombre, le dessin d’Anthony Pastor traduit bien l’atmosphère et l’âpreté des conditions de vie des classes défavorisées à cette époque. Si les postures des personnages apparaissent parfois un peu figés, l’ensemble reste agréable à l’œil – avec de très belles évocations de la vie quotidienne – et dégage une beauté austère, à l’image des paysages savoyards représentés ici.

Avec ce one-shot, l’auteur a dressé le beau portrait d’une femme qui, en décidant de suivre un sentier étroit et épineux au lieu de se résigner à une vie triste et sans surprises, s’est muée peu à peu en reine de son destin. La seconde de ces reines est Pauline, mais le personnage se révèle presque décevant : jolie mais très effacée, elle semble se contenter de suivre Blanca, son rôle semblant se limiter à celui de faire-valoir. Mais globalement, cette ode à la liberté constitue une agréable lecture. Et s’il y est question de féminisme, on peut aussi y voir un encouragement à l’intention de chacun, homme ou femme, à prendre sa propre vie en main.

Le Sentier des Reines
Scénario & dessin : Anthony Pastor
Editeur : Casterman
120 pages –  20 €
Parution : 14 octobre 2015

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