
Paris, 1944. Le débarquement a commencé. Les collaborateurs commencent à fuir vers l’Allemagne. Parmi eux, le docteur Destouches, alias Louis-Ferdinand Céline, en compagnie de sa femme Lucette et de son chat. C’est un portrait saisissant de l’écrivain qui est dressé ici, ainsi qu’une peinture haute en couleurs des Nazis en pleine déroute. Un scénario conçu par Christophe Malavoy, d’après les écrits de Céline, accompagné des frères Brizzi, les jumeaux stars du cinéma d’animation français.
Rarement une personnalité du XXe siècle aura autant suscité la controverse que Louis-Ferdinand Céline, brillant écrivain, auteur notamment du chef d’œuvre Voyage au bout de la nuit, mais aussi hélas de pamphlets antisémites. L’ouvrage est-il destiné à réhabiliter l’homme ? Aidé par les frères Brizzi au dessin, le comédien Christophe Malavoy, féru des œuvres de l’écrivain, s’est efforcé de creuser la personnalité de ce dernier. On ne peut pas dire que Céline en sort véritablement grandi, mais à défaut de le porter aux nues, ce récit nous aide, du moins tel semble être son but, à mieux le comprendre, dévoilant un personnage à la fois torturé et aigri. Malavoy cite l’écrivain, qui exerçait aussi la profession de médecin, quand il prétend avoir « planqué et hébergé » des Juifs avant « cette putain de guerre » [la seconde guerre mondiale, ndr]. On peut être tenté de le croire, car l’homme ne semblait pas être un si mauvais bougre. A vrai dire, Céline n’aimait pas grand monde, il suffit de lire Voyage pour le vérifier. Ainsi il détestait tout autant les Nazis dont il était forcé d’accepter la protection par crainte des représailles de la Résistance. Bref, le débat reste ouvert, mais il paraît délicat d’afficher à son égard un jugement d’une sévérité implacable, à l’inverse de Robert Le Vigan, dit la Vigue, acteur collaborationniste et délateur de renom.
D’une originalité induite en grande partie par le superbe dessin au crayonné des frères Brizzi, l’expressivité des personnages y est fascinante, dans un style caricatural qui rappelle Dubout en plus raffiné et le rapproche ainsi de l’opéra-bouffe. A ce titre, les faciès de Céline et de Le Vigan sont particulièrement éloquents. Le genre convient parfaitement à l’atmosphère de déroute d’une dictature hitlérienne peu versée dans la subtilité. Reste que cette lecture pittoresque n’est pas exempte de défauts, certes tout à fait mineurs La narration risque peut-être de chagriner certains lecteurs en quête de rythme par sa tendance à se diluer, même si on conçoit facilement qu’élaborer un scénario à partir du témoignage – celui de l’écrivain – de cette débâcle chaotique, scénario inspiré de trois de ses ouvrages, ne pouvait tenir de la mécanique bien huilée. Mais force est de reconnaître que globalement, le résultat est tout à fait honorable, que l’histoire est relativement fluide et se lit sans déplaisir.
La cavale du Dr Destouches
Scénario : Christophe Malavoy
Dessin : Paul et Gaëtan Brizzi
Editeur : Futuropolis
96 pages – 17€
Parution : 10 septembre 2015
Δ Adaptation de la trilogie de Louis-Ferdinand Céline D’un château l’autre, Nord et Rigodon