
Loisel revient, accompagné d’Olivier Pont au dessin, avec une nouvelle série prometteuse, qui voit un jeune homme partir en quête d’un père inconnu, au cœur d’une Amazonie hostile.
près la mort de sa mère, Max est revenu dans le Brésil de son enfance pour retrouver son paternel, dont il ignore tout, jusqu’au visage. Son seul indice : deux photos où il pose en compagnie de sa mère et d’un homme. Problème : l’homme n’est pas le même sur les deux clichés…Une quête personnelle qui va se transformer en aventure mouvementée en milieu hostile, mais lui permettra de faire aussi de belles rencontres…
Présentée comme la nouvelle série événement par l’éditeur Rue de Sèvres, Un putain de salopard réussit avec ce premier tome son entrée en matière. Avec Régis Loisel au scénario, on n’en attendait pas moins. Plus connu comme dessinateur, celui-ci a également prouvé qu’il savait raconter des histoires, avec notamment sa fameuse adaptation de Peter Pan. Pour ce projet les pinceaux ont donc été confiés à Olivier Pont, dont l’œuvre la plus connue reste jusqu’à présent Où le regard ne porte pas…
Cela faisait un moment que les deux hommes souhaitaient travailler ensemble, depuis le jour où ils passèrent des vacances ensemble en Guyane. Fort logiquement, l’histoire se déroule donc en Amérique du sud, à proximité du chantier de la Transamazonienne, ce qui confère au récit un côté western à la Indiana Jones. Si la narration reste de facture assez classique, elle est particulièrement bien construite, avec un humour bien senti, parvenant à nous captiver dès les premières pages, notamment grâce à des personnages très réalistes. Des personnages somme toute ordinaires, qui pour le coup n’ont pas le profil du héros type, avec lesquels le lecteur peut ainsi facilement s’identifier. Par sa candeur et sa jeunesse, Max n’a en effet rien de Harrison Ford – il vient juste en touriste ! – pas plus que les personnages féminins, les « trois C… », n’évoquent Lara Croft… Les auteurs ont joué la carte de la modernité, en intégrant l’évolution des mœurs, prenant totalement à contrepied les tenants de la BD à papa. En dehors de Max, il y a donc Charlotte et Christelle, le couple de lesbiennes infirmières, et Corinne, la jolie expat au caractère bien trempé et à la sexualité libre – il faut tout de même préciser que cela se passe dans les années post-hippies !
Et tout cela ne concerne que l’introduction, car l’histoire va s’emballer au bout de quelques pages pour ne plus rétrograder, avec maintes péripéties dans un environnement où les hommes ne sont pas des enfants de chœur… C’est par ce contraste typologique que réside en grande partie l’intérêt du récit.
Graphiquement, on ne sera aucunement déçu par le trait enlevé d’Olivier Pont, bien en accord avec le dynamisme de la narration et pas si éloigné de celui de son camarade Loisel. Il consiste en un dosage savant entre burlesque franco-belge et finesse des expressions, excluant toute vulgarité même lorsque les corps sont dénudés… Par ailleurs, il serait injuste de ne pas relever la participation du coloriste François Lapierre, qui a fait un très beau travail sur les nuances de vert de la jungle amazonienne.
Lorsqu’on arrive au terme de ce premier chapitre, il va sans dire qu’on a envie de voir à quoi il ressemble, ce « putain de salopard ». Car c’est pour l’instant le seul qualificatif, pour le moins peu élogieux, qui définira le père inconnu de Max, pour peu qu’il soit encore de ce monde… On espère juste qu’il ne faudra pas attendre huit tomes pour en avoir la révélation et que, malgré toutes ses qualités, cela ne sera pas une série à rallonge de plus. J’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’une trilogie, ce qui serait une très bonne nouvelle !
Un putain de salopard, tome 1 : Isabel
Scénario : Régis Loisel
Dessin : Olivier Pont
Editeur : Rue de Sèvres
88 pages – 18 €
Parution : 24 avril 2019
Extrait p.18-19 – Madame Margarida, une habitante du village, amie de Corinne, aborde Max :
Madame Margarida — Corinne m’a raconté, c’est toi qui recherche ton père ? Paraît que tu as des photos ? Montre-moi…
Corinne — Thé ? Café ? Avec du lait ?
Madame Margarida — Lui, jamais vu ! Mais l’autre, si c’est ton père, c’est un salopard… Un putain de salopard ! Il était connu sous le nom de Mermoz.
Max — Mermoz ? Comme l’aviateur ?
Madame Margarida — Ouais ! Sauf que lui, c’est pas du courrier qu’il transportait entre ici et la Guyane… Plutôt des trucs pas très catholiques…
Max — Alors, il pilotait des zincs…
Madame Margarida — De toute façon, si c’est ton père, il est mort depuis longtemps…
Max — Mort ? Mais comment ?
Madame Margarida — A ce qu’on raconte, ils étaient deux à avoir piqué un paquet de fric à leur employeur, un caïd de la région, un autre gros salopard lui aussi ! Lui piquer son fric, ça c’était plutôt bien… Mais kidnapper sa fille, ça, mon gars… C’est sacré ! On touche pas ! Tous des salopards, ces mecs !
