Un festin au goût de sang

Murena, tome 10 : Le banquet © 2017 Dufaux & Theo (Dargaud)

Après le Grand incendie de Rome, la vie a repris ses droits et la fête bat de nouveau son plein chez les nantis qui veulent oublier le tragique événement. Mais voilà que déjà circulent les projets d’assassinat contre Néron, tenu pour responsable de l’incendie, tandis que Lucius Murena semble revenir en grâce dans le cœur de l’empereur… Agressé sauvagement par des brigands, Murena va être recueilli par une femme qui va tenter de le soigner, quitte à lui faire perdre tout souvenir de son existence antérieure.

Si l’on en croit la préface de Jean Dufaux, il s’en est fallu de peu pour que la série s’arrête après le neuvième volet (premier épisode du troisième cycle), suite à la disparition de son dessinateur, le talentueux Philippe Delaby. Quatre ans après, trouver quelqu’un à la hauteur de la tâche ne s’avérait pas une mince affaire, mais l’Italien Theo, très apprécié par Delaby, semble avoir relevé le défi de façon très naturelle. Son trait possède les mêmes attributs, faits à la fois de puissance et de finesse. C’est à peine si l’on peut déceler un moins grand raffinement dans les détails, mais il faut avoir l’œil bien exercé pour cela.

Il faut souligner qu’à la base, l’ambitieux projet prévoyait quatre cycles, et la disparition de Philippe Delaby compromettait gravement sa poursuite. Aujourd’hui, Murena, comme Rome après le Grand incendie décrit dans le volume précédent, semble ne pas vouloir sombrer dans l’oubli, comme dépassé par sa force intrinsèque qui lui est, sait-on jamais, octroyée par l’aura de la ville éternelle. Theo étant florentin, il n’est pas surprenant qu’il ait accepté d’insuffler son propre talent à l’entreprise, tout en se montrant respectueux vis-à-vis de son prédécesseur.

Si Jean Dufaux semble satisfait de ce nouveau départ, le lecteur ne s’en plaindra pas, tant s’en faut. L’effet de surprise n’est évidemment plus là, mais il n’en reste pas moins que ce dixième chapitre reste aussi captivant que ne l’ont été les épisodes précédents, toujours aussi documenté. Et à en croire la couverture, c’est un fabuleux festin qui s’annonce…

Murena, tome 10 : Le Banquet
Scénario : Jean Dufaux
Dessin : Theo
Editeur : Dargaud
72 pages couleur – 11,99 €
Parution : 3 novembre 2017

Extrait p.18 : conversation entre Lucius Murena et Néron, qui viennent juste de se réconcilier :

« J’avais oublié qui était César, je me souvenais seulement de l’homme qui m’avait tant meurtri, tant blessé. La haine me poussait vers la folie jusqu’à ce que nos chemins se croisent à nouveau…
– Ah bon ? Quand cela ?
– C’était juste après l’incendie. Toi et tes hommes parcouriez la ville afin de sauver ce qui pouvait être sauvé. À un moment donné, tu t’es éloigné et tu es passé juste sous les toits d’une maison où je me trouvais…
– Et… ?
– C’était l’ occasion ou jamais. J’ai pris une tuile, lourde, dans mes mains. Si je t’atteignais à la tête ou à la nuque, c’en était fini de toi, fini de César, fini de toutes mes rancœurs, de cette agressivité qui m’étouffait. Et au dernier moment, mes bras sont retombés, je me suis effondré. Quelque chose m’avait empêchait d’en finir… comme un vertige, la sensation d’être perdu à jamais si j’exécutais mon geste… Une belle occasion ratée, en somme.
– Cette occasion ne se reproduira sans doute jamais. Réfléchis bien.
– Je ne souhaite pas revivre un tel moment.
– Lorsque je te reverrai, mon humeur ne sera peut-être plus à la patience. Tu reste un homme dangereux pour César. »

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