
Dans l’Angleterre victorienne de l’entre-deux-guerres, deux jeunes filles, Elsie Wright et Frances Griffith avaient pris des clichés où apparaissaient des fées… A l’époque, l’histoire avait alimenté la chronique. Même Conan Doyle, fasciné par l’événement, s’était déplacé pour rencontrer les deux photographes en herbe. Il fallut attendre les années 80 pour que ces dernières, devenues alors de vieilles dames, avouent la supercherie, mettant ainsi fin au mythe naissant…
Il faut tout d’abord noter le remarquable travail d’impression sur cet ouvrage, qui n’est pas une bande dessinée mais plutôt un livre illustré, et de fort belle façon par Sophie De La Villefromoit. Ses dessins aux tons clairs obscurs irradient une étrange beauté, presque un peu inquiétante, s’avérant parfaitement adaptés à l’ambiance brumeuse du Yorkshire, très propice à l’apparition de créatures fabuleuses.
Quant à Sébastien Perez, il a réinterprété cette histoire vraie sur le mode de la fiction, un peu à la façon d’un conte pour enfants mais qui s’adresserait également aux adultes. L’auteur a romancé le quotidien de ces adolescentes (ou en passe de l’être pour l’une d’entre elles) de manière subtile, oscillant constamment entre la réalité la plus prosaïque et l’imagination propre à l’enfance. Perez évite la facilité et reste toujours à la frontière du réel, laissant la poésie prendre le relais, une manière plus efficace de faire douter le lecteur, qui aura alors le champ libre à toutes les interprétations quant à l’existence de ces créatures ailées… Pour autant, l’auteur ne néglige pas l’aspect psychologique, en soulignant le fait que les deux cousines avaient chacune de bonnes raisons de fuir la réalité. Frances souffrait de l’absence de son père parti à la guerre, tandis qu’Elsie, en rébellion contre son père et la religion, préférait croire aux fées plutôt qu’à un dieu, l’existence de dernier n’étant guère plus crédible selon elle.
Avec ces Fées de Cottingley, Soleil vient enrichir sa collection au charme ténébreux dédiée au fantastique, Métamorphose. Et que l’on croie aux fées ou non, l’ouvrage, conçu sans mièvrerie aucune – tant sur le plan du dessin que des textes -, est susceptible de plaire à un large public.
Les Fées de Cottingley
Scénario : Sébastien Perez
Dessin : Sophie De La Villefromoit
Editeur : Soleil
Collection : Métamorphose
152 pages – 22,95 €
Parution : 16 novembre 2016
Extrait p.57 : A l’église, lors du sermon du pasteur, Elsie s’ennuie et s’agace…
« Pfffff… C’est n’importe quoi ! » adressa Elsie à sa cousine.
Francès, qui finalement n’avait rien écouté du sermon, était bien incapable de donner son avis.
Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père !
« Je connais la véritable lumière, continua Elsie, et tous ces idiots sont bien incapables de le reconnaître. Ils sont endoctrinés dans cette religion stupide et butée. »
Personne n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui que l’a fait connaître !
« Et ils osent me dire que les fées n’existent pas parce que personne n’en a jamais vu de ses propres yeux ! Qu’en est-il de leur dieu, alors !? »