
David Boring, n’a vraiment rien du jeune homme accompli et sportif correspondant au mythe américain. Chétif, pas vraiment beau mais pas vraiment laid, il traine sa mélancolie dans un univers urbain anonyme, ressassant son obsession pour Wanda, une jeune fille dont il est tombé amoureux et n’arrive pas à encaisser le départ soudain et mystérieux.
Faire un résumé de cette histoire au scénario tortueux relève du défi. Et je confesse mon manque de motivation pour m’y atteler. D’ailleurs, rien que le nom du héros éponyme, ou plus exactement antihéros, montre clairement qu’on n’est pas là pour s’éclater. Il est fort probable que Daniel Clowes se soit inspiré de sa propre expérience, misant à fond sur l’analyse introspective, et du même coup, sur la patience du lecteur. L’histoire est lisible, assez réaliste par rapport à ce que j’ai pu lire du même auteur (par exemple Comme un gant de velours pris dans la fonte, sorte de folie hallucinée mise en images), encore faut-il se souvenir des nombreux personnages, mais là n’est pas la question. Les digressions et autres états d’âme de Clowes sont bien trop nombreux à mon sens pour faire en sorte que David Boring (l’œuvre) fasse ressortir quelque chose de vraiment marquant. On ne retiendra que quelques images fugaces sans arriver vraiment à savoir où l’auteur a voulu en venir, si ce n’est évoquer de façon erratique ces thèmes éternels que sont la quête de l’âme sœur et du désespoir amoureux.
Dans cette narration très clinique et dépourvue d’émotion, avec des personnages figés et en proie à leurs névroses, il y est fait allusion à des attentats bactériologiques alors que le pays semble en état de guerre larvée contre un ennemi invisible, sans que l’on sache exactement de quoi il retourne. Plusieurs meurtres émaillent le récit, renforçant cette atmosphère vaguement inquiétante, sans volonté d’accentuer l’aspect « thriller » mais au contraire en les banalisant. David Boring lui-même échappera miraculeusement à une tentative d’assassinat, dont on ne connaîtra ni l’auteur ni le mobile. De plus, le sexe y est décrit comme triste et l’amour comme source de jalousie hystérique. Bref, si vous souhaitez avoir des réponses sur le sujet, c’est raté, vous n’aurez que des questionnements en plus. Et n’espérez pas mieux goûter la vie après une telle lecture, seuls les éternels insatisfaits ou les désenchantés seront comblés ! Sauf peut-être à la dernière page où émerge une touche d’apaisement, presque trop tard, presque incongrue. En cela l’œuvre s’inscrit sans aucun doute dans le genre alternatif, ce que vient renforcer cette ligne claire en noir et blanc bien trop sage et bien trop cérébrale pour n’avoir pas quelque chose à cacher. Pour résumer, David Boring serait une sorte de Woody Allen jeune sans l’humour.
David Boring
Scénario & Dessin : Daniel Clowes
Editeur : Editions Cornélius
116 pages – 60 € (sur Amazon)
Parution : 1er octobre 2002