Duel au sommeil

Ces jours qui disparaissent © 2017 Timothé Le Boucher (Glénat)

Temps de lecture ≈ 1 mn 30

En 2017, Timothé Le Boucher faisait sensation avec cet album en envoûtant aussi bien la critique que le public. Un récit fantastique mettant un scène un jeune homme en proie à des troubles de la personnalité.

Il y a quelque chose qui déconne chez Lubin mais quoi ? Le jeune homme, promis à une belle carrière de danseur, a toutes les raisons d’être heureux. Avantagé physiquement, entouré d’amis, il semble avoir les bonnes cartes en main. Mais le jour où il se rend à son travail et qu’on lui demande pourquoi il s’est absenté une journée entière sans prévenir, il ne comprend pas. Dès lors, c’est sa vie qui va commencer à se désagréger, avec des temps de sommeil de plus en plus longs, et l’irruption d’un double de lui-même qui prend peu à peu possession de son corps lorsqu’il est endormi. Devant un tel phénomène, Lubin est désemparé, d’autant qu’il ne semble pas y avoir de remède…

Ces jours qui disparaissent est l’album qui a révélé TLB et on comprend facilement pourquoi après l’avoir lu. Dès les premières pages, le lecteur est happé par l’intrigue qui voit un jeune danseur, Lubin, confronté à des amnésies récurrentes suite à une chute lors d’une répétition. Cette histoire au départ assez ordinaire basculera rapidement vers le fantastique dès lors que Lubin se rendra compte qu’un double essaie de prendre sa place pendant son sommeil. Qui plus est, ses périodes amnésiques ne cesseront de s’amplifier avec le temps, ce qui aura des conséquences dévastatrices sur son quotidien. On ne peut en dire plus au risque de « divulgâcher » mais force est de reconnaître que Timothé Le Boucher a produit là un scénario irréprochable, où le suspense va croissant jusqu’à la fin, plongeant le lecteur dans un malaise qui pourrait même s’apparenter à de la terreur, terreur qui ne reste que psychologique car ici il n’est pas question de monstres hideux sortis tout droit de l’enfer ! Et si l’auteur suscite en nous de telles réactions, c’est parce qu’il aborde ici des thèmes qui, sous cet enrobage fantastique, font vaciller nos certitudes quant à notre identité profonde.

La question du double est bien sûr dominante, un thème angoissant souvent repris par la littérature fantastique et la pop-culture, on pense notamment au célèbre Docteur Jekyll et Mister Hyde de R.L. Stevenson ou encore au Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde. Mais d’autres sujets passionnants apparaissent en filigrane tout au long du récit, tels que l’amour (qu’est-ce qui fait qu’on est aimé par notre conjoint ?), l’amitié (à l’épreuve des années…), la vieillesse et la tragique fuite du temps (une notion que les moins de 40 ans ne sauraient appréhender aisément…)… Timothé Le Boucher n’apporte pas forcément de réponses mais fait preuve d’une certaine finesse dans son approche. A ce titre, on peut ressentir une certaine frustration, car si le double de Lubin apparaît au début (la scène de la vidéo), on ne saura rien de sa réelle existence (que fait-il vraiment lorsque sa « proie » dort ?). Peut-être l’auteur a-t-il délibérément maintenu cette part de mystère pour laisser à chacun le soin d’imaginer sa propre version, et après tout, c’est bien Lubin le personnage central de l’histoire…

Ces jours qui disparaissent © 2017 Timothé Le Boucher (Glénat)

Cette finesse dans l’approche de l’auteur se répercute dans sa ligne claire gracile aux accents manga. Certes, il n’y a rien de particulièrement innovant dans le style, et Le Boucher privilégie à l’évidence simplicité et lisibilité, mais il émane de son dessin une délicatesse qui lui est propre et charmera ceux qui sauront la percevoir. La mise en page et et la couleur sont à l’avenant, et on ne pourra qu’apprécier cette disposition de l’artiste à éviter le tape-à-l’œil et l’esbroufe.

Ces jours qui disparaissent s’impose comme une œuvre incontournable, incontestablement la plus emblématique de Timothé Le Boucher à ce jour. Même si ses productions postérieures ne l’égalent pas en qualité, elles exercent toutes une certaine fascination, le plaçant dans la catégorie des auteurs qui comptent dans le neuvième art.

Ces jours qui disparaissent
Scénario & dessin : Timothé Le Boucher
Editeur : Glénat
190 pages – 22,50 €
Parution : 13 septembre 2019

Prix Canal BD 2017

Ces jours qui disparaissent © 2017 Timothé Le Boucher (Glénat)
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