Miroir noir de notre présent au futur antérieur

1984 © 2021 Jean-Christophe Derrien & Rémi Torregrossa (Soleil)

Le roman culte de George Orwell vient de faire l’objet de plusieurs adaptations BD quasi-simultanées. Une preuve de la modernité de cette dystopie pourtant très sombre. Et même quand l’éditeur s’appelle Soleil, sa version n’en est pas pour autant plus lumineuse…

En l’espace de deux mois ce ne seront pas moins de quatre adaptations de « 1984 » qui auront été publiées (une en novembre 2020 et trois ce mois-ci). Il faut dire que 70 ans après la sortie française du célèbre livre de George Orwell, désormais entré dans le domaine public, plusieurs éditeurs (Soleil, Sarbacane, Rocher et Grasset) se tenaient sur les starting blocks pour sortir leur propre version. On pourra objecter que cela est tout à fait ridicule de sortir en même temps quatre adaptations, mais quoiqu’en en pense, cela confirme toute la puissance et la modernité du livre de l’auteur anglais. Si la pertinence d’une adaptation est incontestable, reste à en connaître la valeur ajoutée. Commençons avec celle de Soleil Productions.

Sur le plan graphique, Rémi Torregrossa prouve qu’il sait dessiner, cela n’est pas à contester. Son style réaliste et assez détaillé, un peu froid, a su parfaitement donner corps au roman d’Orwell, en restituant scrupuleusement l’univers du livre que chacun pouvait avoir en tête. Le choix du noir et blanc paraissait approprié pour dépeindre un monde terne et déshumanisé, avec une rare intrusion de la couleur dans les scènes où Winston et Julia parviennent à se retrouver dans un cadre intime pour vivre leur amour. Clairement, on reste dans l’académisme propre à tout un pan de la bande dessinée actuelle et qui caractérise le plus souvent les séries dont le but est de capter le public le plus large, et qui probablement laissera de marbre la frange des bédéphiles en quête d’originalité.

La narration de Jean-Christophe Derrien est de façon peu surprenante à l’image du dessin. Elle suit à la lettre la structure de l’œuvre littéraire, la seule digression que s’est autorisée le scénariste étant d’avoir choisi la narration subjective en utilisant les extraits de journal du héros Winston. Ce faisant, cette option permet à l’histoire de conserver une grande fluidité, à l’instar du roman d’Orwell.

En optant pour la fidélité au récit d’origine, on pourrait en déduire que Soleil a voulu limiter les risques d’un échec commercial. Cette version, qui semble être la plus convenue, est loin d’être mauvaise mais n’apportera pas grand-chose au 1984 de 1949, et ne conviendra qu’à ceux qui ne lisent que de la BD. A cet égard, on ne pourra que conseiller au lecteur — jeune ou non, et ouvert à tous les formats narratifs — de se précipiter plutôt sur l’ouvrage original, monument incontournable de la littérature de science-fiction qui conserve une acuité terrible sur la façon dont les technologies permettent de suivre à la trace les citoyens. A l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, la question n’en est que plus brûlante. Les télécrans de 1984 ne sont-ils pas d’une certaine manière les smartphones de 2021.

1984
Adaptation du roman de Georges Orwell
Scénario : Jean-Christophe Derrien
Dessin : Rémi Torregrossa
Éditeur : Soleil
120 pages – 117,95 €
Parution : 6 janvier 2021

Δ Adaptation du roman Nineteen Eighty-Four, de George Orwell (1949)
⊗ Adaptations au cinéma :
1984 réalisé par Michael Anderson (1956)
1984 réalisé par Michael Radford (1984)
1984 © 2021 Jean-Christophe Derrien & Rémi Torregrossa (Soleil)

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