
Dans un monde hostile balayé jour et nuit par des tempêtes extrêmement violentes, la 34e Horde, sous la houlette du chef Golgoth, a quitté la cité d’Alberaas il y vingt-sept ans. Son but : remonter la source des vents pour en déchiffrer l’énigme et, peut-être, ramener le bonheur sur le monde. Celle-ci se trouverait dans l’Extrême-Amont, une région que les hordes précédentes n’ont jamais pu atteindre. Une quête périlleuse où la mort rôde en permanence, un défi de taille où la moindre erreur peut être fatale, risquant d’anéantir les chances de toute l’équipée.
Très attendue par de nombreux bédéphiles, cette adaptation de l’œuvre magistrale d’Alain Damasio, un des plus grands auteurs français de science-fiction, voit enfin le jour grâce à l’ambition acharnée d’Eric Henninot. Le projet fournit à ce dernier l’occasion d’accéder au statut de scénariste, lui qui s’était jusqu’alors contenté de manier les pinceaux. L’enthousiasme y a certainement été pour beaucoup, et après avoir convaincu Damasio de lâcher son bébé, non sans mal, l’auteur s’est lancé dans l’aventure, déterminé, comme les héros de l’histoire, à aller jusqu’au bout de sa mission et faire face aux vents contraires…
Ce premier tome est plutôt réussi si l’on considère l’ampleur de la tâche. En effet, le roman n’est pas forcément facile d’accès dans les premières pages en raison d’une écriture alternant les styles, et il comporte par ailleurs un grand nombre de personnages dont beaucoup sont narrateurs (réduits ici à un seul). Eric Henninot semble avoir mobilisé ici tout son esprit de synthèse pour une prise en main plus aisée vis-à-vis du lecteur de BD, généralement moins patient… à ce titre, il était très judicieux d’afficher au début un bref descriptif des principaux protagonistes, même si chacun d’entre eux possède une personnalité bien marquée.
Très efficace dans son cadrage, le dessin réaliste nous donne à voir un univers aride et déchiqueté, composé de paysages grandioses. Les teintes sombres à dominantes brunâtres sont bien adaptées à l’atmosphère anxiogène de cette quête, monotone dans son âpreté mais non exempte de rebondissements narratifs. Restait également la difficulté liée à la représentation graphique du vent omniprésent, que l’auteur a surmontée de façon équilibrée.
Cette introduction à La Horde du Contrevent, nouvelle série phare de Delcourt prévue en cinq tomes, laisse donc augurer du meilleur. Avec ce premier volet, Eric Henninot s’est affranchi de la mission la plus ardue, celle de donner envie de connaître la suite, et ce n’est pas rien ! Il ne reste qu’à espérer que le résultat soit à la hauteur des attentes.
La Horde du Contrevent, tome 1 : Le cosmos est mon campement
D’après l’œuvre d’Alain Damasio
Scénario & dessin : Eric Henninot
Editeur : Delcourt
80 pages – 16,95 €
Parution : 18 octobre 2017
¿ Lire l’interview d’Eric Henninot (Paris, 20/10/2017)
Extrait p.55 :
« Nous prenons chaque saison davantage la couleur de ce qui nous traverse. Nous récoltons les criblures des moissons mal broyées, la poussière des murs délités, des chemins qui s’effacent. Nous essuyons des pluies qui ne tombent plus mais coulent. Comme si l’horizon se vidait de ses larmes sur nos joues. Personne ne vous dira dans la Horde qu’il aime le vent. Personne ne vous dira le contraire non plus.
Cela fait maintenant trois ans que nous n’avons plus croisé de vaisseaux fréoles. Depuis que Caracole a rejoint la Horde. Trois ans sans nouvelles fiables de nos parents. S’ils sont vivants, ils marchent peut-être encore… à des années en amont de nous. Le vent et la monotonie de notre quotidien érodent tout. Même la douleur. La mienne. Celle de Coriolis. »