
Paul possède un don. Il parvient à communiquer par télépathie avec le seigneur Zarth Arn, héros d’une guerre intergalactique dans un futur lointain. Ses talents vont vite attiser la convoitise de Gibbon Selbub, ingénieur dans l’industrie américaine, qui souhaite mettre au point une arme ultra perfectionnée. Son but : devenir le maître du monde…
Tout juste auréolés de leur prix polar à Angoulême pour L’Eté diabolik, Thierry Smolderen et Alexandre Clérisse avaient publié trois ans auparavant cette bande dessinée atypique, qui n’était déjà pas passée inaperçue. Ce qui marque avant tout, c’est ce magnifique graphisme inspiré du style indémodable des années 50. Un design qui savait faire rêver les foules, alliant l’art déco des années 20 et à la quête de futurisme destinée à faire oublier une Seconde guerre mondiale éprouvante. En intégrant à son trait les formes pures et élancées des objets industriels de l’époque, rehaussées par des couleurs pétillantes, Alexandre Clérisse a su frapper les esprits de bien belle façon. C’est tout bonnement un délice pour les yeux, et par moments on a presque l’impression d’avoir entre les mains un livre d’art !
Ce parti-pris graphique se retrouve dans le scénario, qui emprunte aux films d’aventure ou de science fiction de l’époque, bien souvent caractérisés par une certaine naïveté et une narration virevoltante. Dans une période où la guerre froide venait de libérer son aura glaciale, il était nécessaire d’identifier facilement les bons et les méchants. Un code qui trouvera son aboutissement dans la décennie suivante avec les premiers James Bond. Comme toujours, ces « méchants » très caricaturaux ne cherchaient qu’à satisfaire leur propre intérêt et leurs velléités absolutistes. Mais, fait nouveau, ils avaient cette fois accès aux technologies les plus avancées, capables de détruire l’humanité entière (Hiroshima venait d’inaugurer une nouvelle ère). Créés par les « gentils » Occidentaux, ces « docteurs Folamour » représentaient, parfois de façon inconsciente, l’ennemi absolu et imprévisible, « l’Empire du mal », l’URSS pour ne pas la nommer.
Dans Souvenirs de l’Empire de l’atome, Thierry Smolderen a si bien respecté ces codes qu’il semble en avoir oublié le fond. Car si l’histoire reste compréhensible, à condition d’être attentif aux moult flashbacks et autres sauts spatio-temporels, elle se révèle par trop alambiquée, au point de se rapprocher de l’exercice de style purement esthétisant. Les personnages finissent par n’apparaître que secondaires, comme s’ils se désagrégeaient dans ce prodigieux décor arty. Et ce n’est pas la conclusion, aussi philosophique que déroutante, qui risque de clarifier les intentions de l’auteur.
Souvenirs de l’empire de l’atome
Scénario : Thierry Smolderen
Dessin : Alexandre Clérisse
Editeur : Dargaud
144 pages – 19,99 €
Parution : 18 janvier 2013