Une quête humaniste et poétique

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Le Combat ordinaire © 2003-2008 Manu Larcenet (Dargaud)

Avant Blast et Le Rapport de Brodeck, il y a eu Le Combat ordinaire… J’ignore si Larcenet a voulu faire ici une œuvre autobiographique, mais cela sent tellement le vécu qu’on se dit qu’il a puisé au moins une partie de son inspiration dans sa propre expérience. L’œuvre est dense et aborde de nombreux thèmes, à la fois universels et contemporains, qu’il s’agisse de la rédemption ou de la montée des extrêmes, de la paternité ou des ravages de la mondialisation. Des thèmes alimentant la réflexion sans vouloir à tout prix l’orienter, l’auteur faisant confiance à l’intelligence du lecteur. Il est possible d’y voir une sorte de quête initiatique mais sans aucune précision sur le « Graal », comme une errance sans boussole dans un monde indéchiffrable et inquiétant, comme peut l’être le monde actuel…

le-combat-ordinaireEt pourtant depuis le début, Manu Larcenet sait parfaitement où il veut nous emmener, car malgré un scénario en apparence aléatoire, l’histoire bénéficie d’une construction solide, avec une progression régulière de la « quête » où vont évoluer une multitude de personnages qui ont tous leur importance et vont modifier à leur façon le destin de Marco. C’est pourquoi il est difficile de juger chaque tome séparément.

Sous l’humour apparent, Larcenet nous révèle ici son côté hypersensible, mais avec une pudeur qu’il sait bien traduire par un dessin dépourvu d’effets ostentatoires. C’est souvent émouvant, parfois carrément bouleversant. Plus on avance dans l’histoire, plus le trait s’éloigne de la ligne claire. Les rondeurs insouciantes et burlesques du début font progressivement place aux rayures, aux rides et aux mines hirsutes. Comme le signe d’une maturité à venir… avec une variété de styles en fonction des états d’âme du personnage principal : abstrait et rougeoyant quand Marco a ses crises d’angoisse, acéré et inquiétant dans un environnement urbain, vrai et sécurisant dans les passages poétiques… le changement de style n’est nullement gênant ici et le résultat est souvent saisissant. Le clair-obscur des scènes les plus intimistes est aussi très réussi.

Dans l’ensemble, ces quatre tomes constituent un récit dense et habité duquel on ne ressort pas indifférent, avec des personnages et des situations très réalistes (parfois bouleversantes), auxquels on peut facilement s’identifier, avec l’humour évidemment présent (c’est quand même du Larcenet !). Il y a beaucoup à dire sur cette œuvre. Mais ce qui globalement lui confère cette aura exceptionnelle est peut-être cette poésie si sensible, empreinte d’une IMMENSE humanité, venant accompagner un récit que l’on devine très personnel voire douloureux, poésie qui, tel un baume apaisant, semble avoir constitué la planche de salut de Marco… Un sacré bonhomme, ce Manu Larcenet, l’air de ne pas y toucher avec son gros nez et sa dégaine de comique… (décembre 2012)

Le Combat ordinaire (intégrale 4 tomes)
Scénario & dessin : Manu Larcenet
Editeur : Dargaud
232 pages – 39,90 €
Parution : 14 novembre 2014

⊗ Adaptation au cinéma : Le Combat ordinaire, de Laurent Tuel, avec Nicolas Duvauchelle, Maud Wyler, André Wilms

Angoulême 2004 : prix du meilleur album pour le tome 1.
2005 : Prix Tournesol pour le tome 2
2005 : Prix du jury œcuménique de la bande dessinée (tome 2)

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