
C’est à travers l’expérience de ses propres parents et de leurs amis militants qu’Etienne Davodeau dresse ce portrait passionnant du monde ouvrier et de ses combats. Au fil de ses pages, c’est non seulement l’histoire de toute une région durant les trente glorieuses qui se dessine, mais aussi celle d’une France en pleine mutation.
Étienne Davodeau réussit une fois de plus à produire quelque chose de très touchant. Il possède décidément ce talent inégalé de raconter avec finesse des histoires d’êtres humains qui nous ressemblent, avec un regard empreint d’empathie. Cette fois-ci, c’est une « histoire de militants », comme vient le souligner le sous-titre, doublé d’un splendide hommage à ses parents « cathos de gauche » en tant que témoins, des gens simples qui ont appris à relever la tête en découvrant le militantisme dans un environnement rural depuis longtemps sous la domination du patronat allié à l’Église. Le salut, si on peut dire, est venu de membres « dissidents » de cette même Église, ces derniers estimant que les « ouailles » ne devaient plus forcément tendre l’autre joue lorsqu’on les giflait…
Fidèle à lui-même, l’auteur parvient à conjuguer réalisme et poésie à l’aide de son trait « imparfait » totalement assumé (« c’est comme quand je vous dessine, je ne cherche pas la ressemblance absolue, c’est pas mon boulot » explique-t-il à ses parents découvrant ses planches), mais si caractéristique, et au cadrage toujours bien amené. Davodeau ne veut pas faire du beau pour du beau, pour lui, le dessin doit être avant tout au service de l’histoire.
Sur le plan documentaire, il se montre très attaché à la réalité des faits et respectueux des témoignages des uns et des autres. Cette BD très revigorante est aussi un condensé de l’histoire de la gauche française (depuis la Libération jusqu’à l’élection de Mitterrand) du point de vue de la région ouvrière des Mauges, un peu comme une madeleine de Proust fourrée aux cerises…
Les Mauvaises gens – Une histoire de militants
Scénario & dessin : Etienne Davodeau
Editeur : Delcourt
Collection : Encrages
183 pages – 14,95 €
Parution : 24 août 2005
♦ Grand Prix de la Critique ACBD 2006
♦ Angoulême 2006 : Prix du scénario, Prix public du meilleur album
♦ Prix France Info 2006