
1950 : alors que la guerre est finie depuis cinq ans, Brest peine à émerger des ruines. La ville, qui est encore un immense chantier, fait travailler des milliers d’ouvriers. Mais les conditions de travail sont difficiles, et la grève menace. Le 17 avril, des affrontements ont lieu avec les forces de l’ordre, entraînant la mort d’un homme.
Peu de gens ont en mémoire la grande grève qui a eu lieu à Brest en 1950 (et ce n’était pas mon cas avant la lecture de Un homme est mort). Tout en rendant hommage aux victimes de cette grève, cette BD raconte l’histoire d’un film documentaire réalisé par le cinéaste militant René Vautier, qui a à sa façon contribué à soutenir la lutte syndicale de ce mouvement négligé par l’Histoire officielle. Un petit film court et fragile au destin particulier que le monde ouvrier s’est approprié afin de faire entendre sa voix. L’histoire se situe donc entre la fiction et le documentaire (tous les personnages ont existé). A une époque où la guerre froide venait de succéder à la seconde guerre mondiale, où le mouvement communiste était à son apogée même si les méfaits de Staline commençaient à être connus, la répression des autorités extrêmement féroce n’entama en rien la détermination du peuple ouvrier brestois dans son combat pour de meilleurs salaires et contre l’injustice.
Etienne Davodeau et Kris rendent un bel hommage aux protagonistes de cette lutte, on sent qu’il y a un gros travail de documentation derrière. De son coup de crayon élancé, Davodeau restitue avec sensibilité l’atmosphère et l’état d’esprit de ce mouvement populaire. La mise en couleur est élégante et les teintes rouge–sépia conviennent bien au récit. Et pourtant curieusement, même si je trouve la démarche éminemment sympathique et que j’ai eu du plaisir à lire cet ouvrage, je suis resté sur ma faim. Il manque quelque chose à cette histoire et j’ai du mal à l’expliquer. En fait, je me demande si le format de 63 pages est adapté à une histoire comme celle-ci, d’autant que Kris le scénariste dit avoir travaillé à ce projet pendant quatre ans. Comme si la BD ne se suffisait pas à elle-même, une dizaine de pages de reportages et de témoignages accompagnés de photos succèdent au récit illustré (CQFD ?)…
Pour le reste, je trouve ça très bien de publier ce genre de choses sur des événements que l’Histoire, la « grande », la « sérieuse », la bien-pensante, cherche à faire oublier, au même titre que la Commune ou plus récemment le combat des ouvriers de Lip à Besançon dans les années 70. A lire donc, pour tout homme ou toute femme de gauche qui se respecte.
Un homme est mort
Scénario : Kris et Etienne Davodeau
Dessin : Etienne Davodeau
Editeur : Futuropolis
144 pages – 15 €
Parution : 12 octobre 2006
♦ Prix France Info 2007