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Cet ouvrage, qui ravira assurément les nostalgiques de la première trilogie, pourra toucher également un public élargi en racontant tout simplement l’incroyable success story d’un « self-made » cinéaste, pionnier avec Spielberg des blockbusters qui ont dopé Hollywood à la fin des années 70…
Cela peut paraître surprenant, mais Star Wars aurait dû demeurer à jamais dans les oubliettes du septième art. C’est ce que raconte cette palpitante biographie sur George Lucas, le cinéaste qui aura littéralement révolutionné le cinéma de divertissement à la fin des années 70. Nous étions alors dans une galaxie lointaine, très lointaine, où le film, à sa sortie dans l’Hexagone, s’appelait encore La Guerre des étoiles…
Si ceux qui comme moi auront vibré en découvrant Star Wars dans leur prime jeunesse — et bien sûr par extension les fans les plus récents de la saga — seront sans aucun doute totalement emballés à la lecture de cette bande dessinée, il n’est pas impossible que les plus réfractaires l’apprécient. En effet, c’est d’abord l’ascension extraordinaire d’un homme mû par un imaginaire foisonnant et surtout l’histoire d’un film culte qui est présenté ici. On peut donc être simplement amateur de cinéma pour se plonger dans cette lecture…
Abondamment documenté, l’ouvrage a été mené de main de maître par les deux auteurs, avec une symbiose parfaite entre les partitions graphique et narrative. On y découvre d’abord le personnage de Georges Lucas, cet enfant rebelle dont les rêves étaient « bigger than life ». L’homme, déjà tout gosse, avait une personnalité hors du commun, tête brûlée dans son adolescence et plutôt renfermé, il semblait habité par une volonté de fer pour donner corps à ses rêves…et il lui en aura fallu de la volonté pour franchir les innombrables écueils qu’il subit avant la sortie en salles du film, dans la douleur qui plus est… Même si Lucas avait déjà sa trilogie en tête, c’est le succès inattendu de ce premier opus au box office qui fut le catalyseur de l’impressionnante saga et de ses innombrables spin-offs, très inégaux il faut bien l’avouer, que nous connaissons aujourd’hui.
C’est avec bonheur que l’on avale les 200 pages du livre, qui, en plus d’un personnage à la « vie intérieure bouillonnante », nous dévoile la genèse du tout premier Star Wars. On découvre que la compagne de George, Marcia, aura été d’un énorme soutien dans l’aboutissement de son projet, remanié mille fois avant sa version définitive ! Si les relations furent souvent houleuses avec les producteurs de studios, davantage préoccupés par l’appât du gain, celles avec les cinéastes furent heureusement plus amicales. On y croise ainsi Francis Ford Coppola, Steven Spielberg, l’autre homme qui aura transformé le cinéma dans ces années-là, Irvin Kershner (qui à l’époque n’avait pas encore réalisé L’Empire contre-attaque), Martin Scorsese et d’autres. Et puis les acteurs bien sûr, le trio magique composé d’Harrison Ford (recruté par défaut !), Carrie Fisher et Mark Hammill, mais aussi les seconds rôles, notamment l’acteur britannique Alec Guinness qui aura apporté son aura bienveillante au film.

Le tout est passionnant, très complet, et truffé d’anecdotes croustillantes. On se gausse par exemple en apprenant que Han Solo aurait dû porter un col Claudine au lieu de sa fameuse tunique échancrée, si son interprète, par un réflexe salutaire, n’avait pas décidé de l’arracher.
Le dessin de Renaud Roche est d’une efficacité redoutable dans sa simplicité. Il accompagne à merveille la narration extrêmement fluide. On apprend, de façon peu étonnante, qu’il a une expérience dans le storyboard. La mise en page va à l’essentiel et insuffle beaucoup de dynamisme au récit. La particularité graphique de cet album est qu’il n’est ni en noir et blanc ni en couleurs, l’auteur s’étant contenté d’ajouter ça et là des touches de couleurs pour souligner les éléments importants, renforçant encore le punch narratif. A croire que Roche a travaillé au pinceau-laser ! Si Les Guerres de Lucas ne représente que sa première bande dessinée en tant que co-auteur, on se dit que le jeune homme, illustrateur formé à l’école des Gobelins, a de l’avenir…
Encore une fois, cette bande dessinée pourra largement captiver un lectorat au-delà des amateurs de la saga Star Wars. Sur une autre grille de lecture, elle montre le parcours admirable d’un homme qui en ayant concrétisé ses rêves par la puissance de sa « force » intérieure (on ne saurait mieux dire, et Lucas était loin d’être un communicant expansif, encore moins vénal !), nous offre une véritable leçon de vie.
On peut dire que les Éditions Deman, plutôt spécialisée dans la presse jusqu’à récemment, auront frappé fort avec la – seulement – troisième BD de leur collection. Déjà récompensée de prix divers (France Info, Fnac-France Inter), Les Guerres de Lucas ont rencontré également un succès critique et public. Laurent Hopman, à la fois co-fondateur de la société et scénariste de l’ouvrage, semble avoir eu du flair, inspiré peut-être par une force mystérieuse venue d’outre-espace…
Les Guerres de Lucas
Scénario : Laurent Hopman
Dessin : Renaud Roche
Éditeur : Deman Éditions
208 pages – 24,90 €
Parution : 4 octobre 2023
♦ Prix France Info 2024
♦ Prix de la BD Fnac 2024
Extrait p.72 — les bruitages dans Star Wars :
« L’approche atypique de Ben Burtt [designer sonore] offrira à Star Wars certains des bruitages les plus spectaculaires et mémorables de l’histoire du cinéma, une référence encore aujourd’hui.
Le sabre laser : ronronnement d’un projecteur de cinéma combiné au son du tube cathodique d’une télé.
Chewbacca : mélange des cris de différents animaux [en illustration : ours, lion, morse…]
Le Tie Fighter : barrissement d’un éléphant, ralenti et déformé, associé au bruit d’une voiture sur une route détrempé.
Les portes de vaisseaux : bruit des portes du métro de Philadelphie.
Les bips de R2D2 : son du synthétiseur ARP 2600 combiné à la voix de Ben Burtt.
Les blasters [ou pistolet laser] : coups de marteau sur les cables d’une tour radio. »


